Section Babylonienne
La vie des populations de Mésopotamie apparaît profondément marquée par la croyance en toutes sortes de démons maléfiques et de génies protecteurs. La désignation de démons vecteurs du mal permettait d’identifier la menace, et de la combattre par des rituels appropriés, en enrôlant contre eux de puissants génies.
Tout au long de l’histoire mésopotamienne, la croyance en l’existence de forces maléfiques ou au contraire protectrices apparaît fortement ancrée dans les mentalités. Les menaces de maladie ou de mort planaient sur des populations aux conditions de vie souvent précaires, et la désignation de responsables démoniaques permettait de circonscrire le danger et de mettre en œuvre les moyens de le prévenir ou de le vaincre.
Un vaste répertoire de démons et de génies aux pouvoirs redoutables s’est ainsi constitué, pour l’essentiel dès le IIIe millénaire avant Jésus-Christ, induisant toutes sortes de pratiques à caractère magique. Pour lutter contre la « possession démoniaque », responsable de graves maux physiques et moraux, des rituels conjuratoires ont été établis, dont certains pratiqués par une catégorie particulière de prêtres, les exorcistes.
Des figures de génies protecteurs étaient par ailleurs disposées dans les habitations ou les bâtiments officiels, et d’autres enfouies sous leurs fondations, afin de les préserver de toute menace. La frontière apparaît toutefois incertaine entre démons maléfiques et génies protecteurs enrôlés pour les combattre. Nombre de ces derniers en effet sont à l’origine des monstres redoutables, en rapport avec des éléments de la nature liés à la fertilité, et seule la puissance divine a pu les maîtriser pour en faire des instruments de la prospérité humaine. Tous sont ainsi fondamentalement des médiateurs entre les dieux et les hommes, concourant au fragile équilibre du monde.
Le décor monumental des palais assyriens du Ier millénaire, constitué de grandes plaques de pierre sculptées en relief recouvrant la partie inférieure des murs de brique, fait appel à un large éventail de génies protecteurs. L’un des plus caractéristiques est un génie hybride du type « griffon », dont le corps est humain mais porte des ailes et une tête de rapace. Celui-ci provient du palais du roi Assurnasirpal II (883-859) à Nimrud, alors capitale de l’empire. Sa présence y était requise afin d’assurer la protection de certains passages ou de l’entrée de salles importantes, et on le retrouve jusque dans la salle du trône. Le griffon est souvent représenté dans l’accomplissement d’un rituel de fertilité. Il tient alors dans ses mains une pomme de pin et une situle, aspergeant d’un liquide lustral les fleurs d’un arbre sacré à la figuration fortement stylisée. Ces griffons, qui appartiennent à un groupe plus vaste de génies protecteurs, dits apkallu, sont pourtant considérés également, dans certains textes, comme des serviteurs du dieu des Enfers, Nergal. C’est leur puissance, sans doute à l’origine maléfique, qui garantit l’efficacité de la protection qu’ils assurent contre d’autres entités malfaisantes. Et c’est leur proximité avec Nergal, maître d’un monde chthonien des profondeurs duquel surgit le renouveau annuel de la nature, qui les qualifie pour favoriser un règne de prospérité et d’abondance, symbolisé par l’efflorescence de l’arbre de vie.